Cette synthèse traite de la section XII de l’Enquête sur l’entendement humain de David Hume, intitulée “De la philosophie académique ou sceptique”.
Hume y expose l’intérêt et les limites, selon lui, de l’attitude sceptique qui remet en question notre capacité à connaître le monde (voir la synthèse sur les Esquisses pyrrhoniennes de Sextus Empiricus pour un exposé de la thèse sceptique).
Puissance de conviction du scepticisme
- Il est parfois recommandé de pratiquer le scepticisme au moment d’entamer l’étude de la philosophie. C’est, selon Hume, ce que propose Descartes (voir les synthèses sur le Discours de la méthode, parties I-II et III-IV). Celui-ci suggère en effet de douter de tous nos principes, de toutes nos opinions, et de toutes nos facultés, dans le but d’établir ensuite leur véracité sur un principe premier certain (ce sera le « je doute, je pense, je suis »). Hume souligne cependant que, même si un tel principe premier pouvait être atteint, nous ne pourrions rien en déduire sans faire appel à nos facultés, dont nous sommes pourtant censés douter. Le scepticisme cartésien est donc tellement puissant qu’il est « incurable » selon Hume : contrairement à ce que prétend faire Descartes, il sera impossible de s’assurer de quoi que ce soit sur cette base (§3).
- Il existe une autre forme de scepticisme, qui se présente cette fois comme le fruit de l’étude de nos facultés, et qui conclut qu’elles ne sont pas fiables. Nous ne pourrions alors rien savoir (§5). Nous constatons ainsi, lorsque nous y réfléchissons, que nous n’avons dans notre esprit que des représentations des choses, et non les choses elles-mêmes (§9). En conséquence, alors que nous voudrions par exemple trancher la question de savoir si le monde existe hors de notre esprit en faisant appel à l’expérience, nous constatons que toute expérience directe du monde extérieur est impossible, ce qui rend la question définitivement insoluble (§12).
- Nous pouvons enfin être conduits à douter également des capacités de la raison elle-même. Elle est en effet conduite par certains raisonnements à des absurdités et des contradictions, concernant l’infinie divisibilité ou non de l’espace, par exemple (§18-20).
Limites du scepticisme
- Cependant, ces arguments théoriques ne mènent à aucune application pratique, selon Hume : « Le grand destructeur du Pyrrhonisme, [c’est-à-dire] des principes outrés du scepticisme, c’est l’action, c’est l’ouvrage, ce sont toutes les occupations de la vie ordinaire. Ces principes peuvent fleurir et triompher dans les écoles où il est, à la vérité, difficile, sinon impossible, de les réfuter. Mais dès qu’ils sortent de l’ombre et qu’ils sont opposés aux principes plus puissants de notre nature, par la présence des objets réels qui animent nos passions et nos sentiments, ils s’évanouissent comme une fumée et laissent le sceptique le plus déterminé dans le même état que les autres mortels. » (§21)
- Cette extinction du scepticisme « excessif » dans la pratique est heureux, parce qu’il présenterait sinon un risque pour la vie humaine : si ses principes étaient adoptés, les humains ne survivraient pas longtemps, en doutant ainsi de la réalité de tout (§23).
Intérêt d’un scepticisme « modéré »
- En revanche, un certain degré de scepticisme est utile selon Hume, parce qu’il permet de lutter contre la tendance de « la plupart des hommes » à « être affirmatifs et dogmatiques dans leurs opinions » (§24) : ce scepticisme permet alors de « conserve[r] une juste impartialité dans nos jugements » (§4).
- Il nous pousse aussi à concentrer nos efforts de connaissance sur les domaines dans lesquels nous avons une meilleure chance de succès : ceux pour lesquels nos capacités sont les plus développées. Il s’agit des « questions qui relèvent de la pratique et de l’expérience de tous les jours » (§25), ainsi que des mathématiques, qui seules sont susceptibles de démonstration (§27), les autres sciences ne pouvant se fonder que sur l’expérience (§28).
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Édition de référence
- David Hume, Enquête sur l’entendement humain (An Enquiry Concerning Human Understanding) [1748], introduction, texte, traduction et notes par Michel Malherbe, Paris, Vrin, collection « Bibliothèque des textes philosophiques », 2008, p. 376-413.