Cet atelier sur les articles 1, 2 et 7 de la question 66 « Du Vol » du tome II-II de la Somme théologique de Thomas d’Aquin (Saint Thomas) s’est tenu le 1er décembre 2020, dans le cadre de la série sur la philosophie antique et médiévale.
Édition de référence : Thomas d’Aquin, Somme théologique, traduction de Marie Roguet, Paris, Cerf, 1985, tome III (II-II de l’édition originale), question 66 « Le Vol », articles 1, 2, 7 ; repris par Gérard Chomienne dans Lire les philosophes, Paris, Hachette Éducation, 2004, p. 145-148.
Ce compte-rendu est un rappel des principaux points abordés lors de l’atelier. Il ne s’agit donc pas d’un résumé, ni d’un commentaire complet du texte.
Nous avons examiné ce passage sous l’angle de la question : Existe-t-il des conditions dans lesquelles le vol est légitime ?
L’homme dispose d’un droit de propriété (article 1)
- En tant que Créateur, Dieu est, au sens strict, propriétaire de toute chose. Et il est le seul à pouvoir altérer les choses, les faire devenir autre chose.
- Cependant, dans la Genèse, Dieu donne à l’homme le pouvoir de dominer la nature et les animaux. L’homme dispose donc d’un droit d’usage sur les choses, qui est une forme de propriété.
La propriété privée est une disposition pratique nécessaire (article 2)
- La propriété privée est nécessaire pour trois raisons :
- L’homme accorde plus de soin à ce qu’il possède en propre qu’aux choses qui appartiennent à tous, pour lesquelles il tend à se reposer sur les autres. La propriété privée est donc nécessaire pour que la société soit bien tenue. (1)
- Elle permet également une répartition des tâches : chacun s’occupe d’une partie déterminée de l’ensemble des biens.
- Elle protège enfin des conflits relatifs à l’usage des biens communs que générerait la propriété collective.
- Cependant, tout homme dispose d’un droit d’usage sur l’ensemble des biens, dont il ne peut être totalement privé. En conséquence, tous les biens demeurent fondamentalement communs, et doivent être partagés si besoin, notamment « avec les nécessiteux ».
Il n’existe pas, à proprement parler, de cas de légitimité du vol, mais les biens peuvent retrouver leur caractère commun dans certaines circonstances (article 7)
- Le vol est interdit par la parole divine (« Tu ne voleras pas », Exode, XX, 15, cité par Thomas d’Aquin dans l’article 5). De même, il est qualifié de vice par Aristote.
- Cependant, d’après ce qui a été établi précédemment, les biens sont fondamentalement communs, notamment lorsqu’il s’agit de faire face à une situation de nécessité. En effet, la propriété privée n’est qu’une disposition pratique, efficace, mais secondaire. En conséquence, les pauvres ont, selon Thomas d’Aquin, un droit sur ce que les riches ont « en surabondance ».
- Cela pose tout de même un problème pratique : si tous demandaient l’usage de ses biens à une seule et même personne, celle-ci ne pourrait pas y faire face. En conséquence, chacun doit faire sa part de dons, et les nécessiteux doivent attendre de recevoir ces dons volontaires.
- Ce n’est qu’en cas d’extrême urgence, de risque vital, que quiconque peut disposer de tout bien, qui retrouve alors pleinement son caractère commun. Dans ce contexte de nécessité urgente, la propriété privée n’a plus cours pour le bien qui est nécessaire à la survie d’un être humain, et l’on ne peut donc plus parler de vol.
Poursuivons la discussion !
Cet atelier sur les articles 1, 2 et 7 de la question 66 « Du Vol » du tome II-II de la Somme théologique de Thomas d’Aquin aura été l’occasion de proposer une première approche du texte. Je serais ravi d’en discuter plus amplement avec vous, via les commentaires, ou lors d’une séance spécifique, particulière ou collective.
Lors du prochain prochain atelier, prévu pour mardi 15 décembre à 21h, nous examinerons les limites de la légitimité du pouvoir, en particulier celui du pape, en nous appuyant sur un extrait du Court traité du pouvoir tyrannique de Guillaume d’Ockham. Vous pouvez dès à présent vous y inscrire, ou me contacter si vous souhaitez plus d’informations.
Et pour être informé/e des futurs événements, vous pouvez vous inscrire à la newsletter ou me suivre sur Mastodon.
Note :
(1) Voir aussi Aristote, Politique, II, 1261b33-38, par exemple dans la traduction de Marie-Paule Loicq-Berger dans Aristote, Œuvres, sous la direction de Richard Bodéüs, Paris, Gallimard, collection « Bibliothèque de la Pléiade », 2014.