Nous présentons ici le traité Sur le Beau de Plotin sous l’angle de la question : Comment accéder au Beau en soi ?
Le beau n’est pas seulement l’harmonieux
- Plotin part de l’utilisation courante du mot « beau », et envisage de le ramener à l’idée d’harmonie. Une chose serait alors belle quand ses parties s’accordent entre elles, dans une certaine symétrie, une mesure.
- Cette définition est insatisfaisante selon Plotin, puisqu’elle ne s’applique qu’aux choses et aux êtres composés. Or il existe des choses simples, c’est-à-dire non composées, qui sont belles, comme les parties d’un ensemble beau, les couleurs, l’or.
- De plus, des choses laides peuvent être en harmonie entre elles, par exemple des « opinions méchantes » comme « la tempérance est une sottise » et « la justice est une naïveté généreuse ». L’harmonie n’est donc pas synonyme de beauté (I).
L’âme juge ce qui est beau en fonction de ce qui lui est propre : le rapport aux Idées
- C’est l’âme qui se prononce sur la beauté des corps, en détectant en eux ce qui est en rapport avec la réalité supérieure, le domaine des Idées. Les corps beaux sont alors ceux qui ont reçu une forme correspondant à un idéal, idéal dont l’âme a connaissance par sa partie intellective. Par opposition, la matière informe est laide.
- Ce critère s’applique également aux éléments simples, qui tirent leur beauté de leur participation à une idée, de leur conformité à cette idée, de leur pureté (II).
- Les beautés non sensibles, celles des « occupations », des « manières d’être » sont, elles, d’une nature supérieure, parce qu’elles sont presque déjà des Idées (IV).
L’âme belle, c’est l’âme pure, selon Plotin
- Selon Plotin, la laideur des âmes vient de leur lien avec le corps. C’est ce lien qui est à l’origine de l’attraction que l’on peut ressentir pour les corps, la matière, l’inférieur. Pour redevenir belle, une âme doit donc « se nettoyer » (V).
- Pour se purifier, l’âme doit se détacher du corps. En conséquence, la mort n’est pas à redouter. En effet, l’âme, détachée du corps, retrouve alors le divin, « où est la source de la Beauté » (VI).
- Pour accéder au Beau en soi, il faut donc remonter. Partir du sensible, passer par les Idées, qui relèvent de l’Intellect, pour enfin accéder au Bien, source du Beau. Toutes les autres vertus, et toutes les beautés, viennent de lui, et lui sont donc inférieures (VII). Il faut donc finalement s’éloigner des beautés sensibles : ce serait se leurrer que d’y rester attaché, alors que c’est le Bien qui est à rechercher (VIII).
- Le parcours vers le Bien est donc progressif. Il faut en effet s’accoutumer à voir ces « objets brillants », comme pour le personnage de l’allégorie de la caverne de Platon (La République, livre VII, 514a-518b). Il s’agit donc de grimper par degrés, pour éliminer progressivement toute laideur de l’âme, à la manière d’un sculpteur faisant sortir une forme belle d’une masse de matière (IX).
En écho : des liens peuvent être tissés avec Platon, La République, livres VI et VII.
Poursuivons la discussion !
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Éditions de référence
- Plotin, Traité du Beau, dans Ennéades, I, 6, traduction Émile Bréhier, Les Belles Lettres, 1924 ; repris par Gérard Chomienne dans Lire les philosophes, Paris, Hachette Éducation, 2004.
- Voir aussi Plotin, Traités 1-6, traité I « Sur le Beau », traduction Jérôme Laurent sous la direction de Luc Brisson et Jean-François Pradeau, Paris, Flammarion, collection GF, 2002.