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Histoire de la Philosophie

Préface à la Critique de la Raison Pure de Kant

Portrait d’Emmanuel Kant par Veit Hans Schnorr

Cette synthèse traite de la préface à la seconde édition de la Critique de la Raison Pure d’Emmanuel Kant.

Nous examinons ce passage sous l’angle de la question : Quelles sont les limites de la connaissance ?

Enjeu de la Critique de la raison pure : la métaphysique peut-elle être une science ?

  • Parmi les « connaissances qui sont du ressort de la raison » (AK III, 7), on reconnaît selon Kant celles qui sont parvenues au stade de science par la fiabilité du chemin qu’elles suivent, et la solidité de leurs conclusions. Au contraire, si une discipline « tombe dans l’embarras, sitôt qu’on touche au but », « si […] elle est souvent forcée de revenir sur ses pas et de prendre une autre voie », « s’il n’est pas possible d’accorder entre eux les divers collaborateurs » (7), alors elle est loin de ce « chemin sûr ».
  • La logique a atteint ce chemin presque depuis que l’on s’y intéresse, et en tout cas depuis Aristote, selon Kant. Mais elle n’est que le « vestibule des sciences » (8), car elle fournit un cadre mais pas de contenu de connaissance : l’entendement « n’[y] a affaire […] qu’à lui-même et à sa forme ».
  • Les mathématiques ont trouvé ce « chemin sûr » en Grèce antique, en découvrant le fait que pour démontrer mathématiquement, il faut se fonder sur les « éléments qui, suivant l’opinion commune, n’ont besoin d’aucune preuve » (9).
  • La physique n’a atteint le stade de science que beaucoup plus tard, au début du XVIIème siècle, avec Francis Bacon, et ce que l’on nomme la méthode expérimentale. Il s’agit de ne plus observer passivement la nature en notant des régularités, mais de formuler des hypothèses au sujet de son fonctionnement, puis de concevoir des expériences pour les tester (10).
  • Quant à la métaphysique, cette connaissance rationnelle « qui s’élève entièrement au-dessus de l’expérience, et cela par simples concepts » (11), elle est encore loin de ce « chemin sûr » selon Kant.

Penser la métaphysique autrement : la révolution kantienne

  • Kant tente, dans la Critique de la raison pure,de faire pour la métaphysique ce qui a eu lieu pour les mathématiques et la physique : changer de perspective, en partant de l’étude de notre raison, de la manière dont elle fonctionne, pour en déduire des connaissances qui seront nécessairement valables.
  • Pour que nous puissions faire l’expérience de quoi que ce soit, il faut que l’objet en question soit perçu par nous, mais aussi reconnu par notre entendement comme faisant partie de l’expérience, comme ayant sa place en son sein. En partant de la manière dont nous connaissons, dont notre entendement fonctionne, nous pouvons donc parvenir à une connaissance valable pour toute expérience possible. Par exemple, puisque le principe de causalité est nécessaire à l’unité de l’expérience, on peut en déduire qu’au sein de l’expérience, tout événement aura nécessairement une cause.
  • Cependant, comme les caractéristiques de notre entendement ne prennent de sens que dans une expérience, Kant conclut que la portée de cette connaissance a priori est bornée : « avec ce pouvoir nous ne pouvons jamais aller au-delà des limites de l’expérience possible » (13).

Les frustrations de la raison, et l’ouverture d’un nouveau champ

  • La raison est donc limitée dans ce qu’elle peut connaître. Et pourtant, elle vise un au-delà de l’expérience : elle voudrait savoir si le monde a une origine, ou une cause première, par exemple.
  • Ce domaine du « suprasensible » (14) ne peut pas être un objet de connaissance. Il demeure cependant un objet possible de la raison, mais seulement dans le champ que Kant nomme « pratique », et qui est principalement le lieu des questions morales (voir la Critique de la raison pratique).
  • Le travail sur la capacité de connaître de la raison, en en déterminant les bornes, a ainsi permis de « procurer une place » pour cette « visée pratique ». Il sera ainsi impossible, par exemple, de démontrer l’existence de Dieu ; mais il sera tout aussi impossible de prouver qu’il n’existe pas, précisément parce qu’il est hors du champ de toute expérience possible. Il faudra donc nous fier aux conclusions de la raison pratique sur ces questions, qui ne relèvent pas de la connaissance au sens strict.

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Cette synthèse concernant la préface à la seconde édition de la Critique de la Raison Pure d’Emmanuel Kant propose une première approche du texte.

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Édition de référence

  • Emmanuel Kant, Critique de la raison pure [1781-1787], traduction Alexandre J.-L. Delamarre et François Marty, à partir de la traduction de Jules Barni, dans Œuvres philosophiques, tome 1, sous la direction de Ferdinand Alquié, Paris, Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade, 1980.

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