Cette synthèse examine deux passages (v. 1-202, 670-829) du chant III de La Nature des choses (De rerum natura) de Lucrèce, sous l’angle de la question : Dans quelle mesure la mort nous concerne-t-elle ?
Lucrèce, auteur latin du premier siècle avant l’ère chrétienne, se place dans l’héritage d’Épicure. Dans le chant III de La Nature des choses, il expose ses convictions concernant l’âme (v. 35-36), et sa mortalité (v. 37-39).
Nécessité de s’intéresser aux caractéristiques de l’âme
- Dans la Lettre à Ménécée, Épicure expliquait que la mort n’était rien pour nous, car « quand nous sommes, la mort n’est pas présente ; et que, quand la mort est présente, alors nous ne sommes pas » (traduction Pierre-Marie Morel, dans Épicure, Lettres, maximes et autres textes, GF, Flammarion, Paris, 2011, §125).
- Mais disparaissons-nous complètement à notre mort ? Si une partie de nous, l’âme, demeurait, l’argument épicurien perdrait sa validité. D’où l’importance du développement proposé par Lucrèce dans ce passage : il s’agit de connaître les caractéristiques de l’âme.
L’âme est matérielle
- Puisque le corps peut être mis en mouvement par la pensée, et que celle-ci fait partie de l’âme, cela veut dire que l’âme est matérielle, corporelle (v. 161-176). Cela signifie, dans la physique épicurienne où tout n’est constitué que d’atomes et de vide, qu’elle est faite d’atomes.
- De plus, sa mise en mouvement peut être particulièrement rapide, elle est donc faite d’atomes très fins, « subtils » (v. 177-202).
L’âme naît et grandit avec le corps, elle meurt donc avec lui
- Nous n’avons pas de souvenirs antérieurs à notre naissance, ce qui montre, selon Lucrèce, que notre âme n’existait pas précédemment. Si elle avait eu une vie antérieure et qu’elle l’avait oubliée, ce serait, pour nous, comme si elle était nouvelle (v. 670-678). Elle est bien faite d’atomes qui ont eu une existence précédemment (comme c’est le cas de tout ce qui est corporel, puisque les atomes sont éternels), mais l’assemblage est nouveau, sans histoire. Voir aussi v. 760-764.
- L’interaction de l’âme et du corps est responsable de la sensation, qui est présente dans chaque partie de notre corps. L’âme est donc intriquée dans tout le corps et ne peut donc en sortir sans dommages (v. 688-697).
- Enfin, on constate que l’âme ne se répartit pas au hasard dans le corps, puisque certaines émotions naissent à des endroits particuliers. Cela montre que l’âme a besoin du corps et de chacune de ses parties pour exister (v. 794-797). Elle meurt donc avec le corps (v. 798-799).
Voilà pourquoi la mort du corps, qui signe la fin de la sensation, est également la mort de l’âme. La mort n’est donc pas à craindre.
Envie d’aller plus loin ?
Cette synthèse sur les vers 1 à 202 et 670 à 829 du chant III de La Nature des choses de Lucrèce propose une première approche du texte. Je serais ravi d’en discuter plus amplement avec vous, par exemple pour vous aider dans votre explication de texte, lors d’une séance individuelle.
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Édition de référence
- Lucrèce, La Nature des choses, traduction Jackie Pigeaud, dans Les Épicuriens, s. d. Daniel Delattre et Jackie Pigeaud, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 2010.
Voir aussi la traduction d’Alfred Ernout (Les Belles Lettres, 1984-1985), présente dans le recueil Lire les philosophes de Gérard Chomienne, Paris, Hachette Éducation, 2004.