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Histoire de la Philosophie

Traité des Sensations, Condillac, partie IV, chapitres 8 et 9

Cette synthèse concernant le Traité des sensations d’Étienne Bonnot de Condillac se focalise sur les chapitres 8 et 9 de la quatrième et dernière partie.

Nous examinons ce passage sous l’angle de la question : Toute notre connaissance vient-elle des sens ?

Une expérience de pensée : doter progressivement une statue de nos différents sens

  • Condillac défend la thèse selon laquelle toute notre connaissance viendrait des sens. Pour ce faire, il propose d’imaginer une statue que l’on doterait un à un de nos cinq sens, séparément ou successivement : odorat, goût, ouïe, toucher, vue. C’est l’objet de l’ensemble du Traité des sensations.
  • À l’avant-dernier chapitre de l’ouvrage (chapitre 8 de la partie IV), il récapitule le chemin parcouru et constate notamment que la perception du temps lui-même vient des sensations. C’est parce que nous percevons successivement différentes sensations que nous prenons conscience du temps qui passe.
  • Les raisonnements aussi se fondent sur les sensations successives : nous les comparons, identifions des rapports entre elles, des similitudes, des différences, ce qui permet la construction d’ « idées abstraites ».
  • Enfin, les émotions partent elles aussi des sensations : certaines sensations nous sont plus agréables que d’autres, alors nous recherchons les premières et fuyons les secondes, ce qui est la base des émotions telles que le désir, l’amour, la haine, l’espoir, la crainte.

L’acquisition du sens du toucher conduit à la découverte de l’espace et de l’extériorité

  • Avant d’acquérir le sens du toucher, toutes les sensations, et notamment celles issues de l’odorat, du goût et de l’ouïe, sont intérieures : je ne suis alors en contact qu’avec moi-même et ce que je ressens.
  • Avec l’acquisition du toucher, la statue doit réexaminer ses découvertes précédentes : « Que suis-je, dirait-elle, & qu’ai-je été ? Qu’est-ce que ces sons, ces odeurs, ces saveurs, ces couleurs, que j’ai pris successivement pour mes manières d’être, & que les objets paraissent aujourd’hui m’enlever ? Qu’est-ce que cette étendue, que je découvre en moi, & au-delà sans bornes ? » L’idée d’espace, et celle d’extérieur, sont ainsi introduites par le toucher.
  • Les différentes perceptions précédentes sont ainsi repensées : alors qu’elles n’étaient qu’intérieures, elles semblent à présent avoir leur source dans des objets extérieurs. Le toucher structure ainsi la répartition des autres sensations : « J’ouvre les yeux à la lumière, & je ne vois d’abord qu’un nuage confus. Je touche, j’avance, je touche encore : un chaos se débrouille insensiblement à mes regards. Le tact décompose en quelque sorte la lumière ; il sépare les couleurs, les distribue sur les objets […] ». Ce n’est donc qu’associée au toucher, selon Condillac, que la vue donne l’idée de distance, d’extérieur.

Les sensations sont à la base de tout le sens de la vie

  • Récapitulant l’expérience de pensée qu’il a proposée, Condillac souligne qu’il n’a doté la statue que de sensations, et que cela a suffit pour nous conduire à imaginer qu’elle se mettrait à penser. Rien de plus n’a été nécessaire. Il peut donc en avoir été de même pour nous : les sensations expliquent tout ce qui fait l’humain.
  • Les plaisirs et les peines sont par exemple la source de notre motivation à connaître : « De là, mes besoins, mes désirs & les différents intérêts qui sont le mobile de mes actions ; en sorte que je n’étudie les choses qu’à proportion que j’y crois découvrir des plaisirs à rechercher, ou des peines à fuir. […] J’étudie les fruits, & tout ce qui est propre à me nourrir ; je cherche les moyens de m’en procurer la jouissance : j’étudie les animaux, j’observe ceux qui peuvent me nuire, j’apprends à me garantir de leurs coups […] ».
  • Associée à la raison, cette connaissance conduit à l’idée de liberté : « Instruite par l’expérience, j’examine, je délibère avant d’agir. Je n’obéis plus aveuglément à mes passions, je leur résiste, je me conduis d’après mes lumières, je suis libre ; & je fais un meilleur usage de ma liberté, à proportion que j’ai acquis plus de connaissances. »

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Cette synthèse concernant les chapitres 8 et 9 de la partie IV du Traité des sensations d’Étienne Bonnot de Condillac propose une première approche du texte.

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Édition de référence

  • Condillac, Traité des sensations, 1754. Texte librement disponible sur Wikisource.

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