Cette synthèse présente la 47ème des Lettres à Lucilius de Sénèque.
Dans le cadre de leur correspondance philosophique, le stoïcien Sénèque écrit à son disciple Lucilius sur la manière dont il convient de se comporter vis-à-vis de ses esclaves.
Nous avons examiné ce passage sous l’angle de la question : Comment devons-nous nous comporter vis-à-vis de celles et ceux qui sont à notre service ?
Nous n’avons donc pas procédé à une critique de l’esclavage en tant que tel : suivant l’approche stoïcienne, qui est celle de Sénèque, nous avons pris l’esclavage comme un donné du contexte social. Un travail critique, sur le fond, sera fait à l’occasion d’autres travaux.
Les esclaves sont des humains, et les hommes libres ne sont pas très différents d’eux
- Selon Sénèque, nous sommes tous des esclaves, de la Fortune d’une part (puisque le destin détermine notre sort, selon la philosophie stoïcienne ; §1) et de nos vices d’autre part (débauche, avarice, ambition, espérance, peur, amour ; §17).
- Il n’y a par ailleurs pas de différence biologique entre esclaves et hommes libres (§10).
- De plus, tout homme libre peut devenir esclave, à l’occasion d’une guerre par exemple, et tout esclave peut être affranchi (§10).
- Enfin, les esclaves rendent des services nombreux (cuisine, service à table, ménage, intendance, agrément, services sexuels ; §5-8) et méritent pour cela considération.
Nous devons donc nous comporter vis-à-vis d’eux en les considérant en tant qu’humains
- Il nous faut agir avec eux comme nous voudrions que notre maître agisse avec nous si nous devenions des esclaves (§11).
- Nous pouvons notamment manger avec eux (§2), et devenir amis avec certains d’entre eux, si leur moralité fait qu’ils le méritent, suivant le même critère que pour toute amitié (§16).
- Plus globalement, mieux vaut se faire honorer que craindre (§15), et ne châtier qu’en paroles, sans colère ni violence physique (§20).
L’attitude vis-à-vis des esclaves est conventionnelle, tout comme le statut d’esclave lui-même
- Le fait de conserver une distance importante vis-à-vis de ses esclaves est une « mode » (§2) ; « jadis » (§4) les maîtres montraient une plus grande proximité.
- Sénèque juge que l’attitude pratiquée à son époque est aberrante, puisqu’elle a par exemple pour conséquence le fait que le maître mange trop, et les esclaves pas assez (§2-3). Surtout, elle conduit les esclaves à devenir des ennemis du maître plutôt que ses soutiens, en raison de la rancœur générée par la distance et la violence (§4-5, voir aussi §9).
- Le fait d’être esclave ou non est lui-même conventionnel, ou au moins le fruit de la Fortune. En effet, dans le cadre du déterminisme stoïcien, le fait d’être esclave ou non n’est pas en notre pouvoir, c’est un élément fixé par le Destin. Ce statut n’est donc pas le fruit du mérite individuel, il ne dit rien de la qualité d’âme de l’individu concerné. Il ne doit donc pas intervenir dans le jugement que l’on porte sur ledit individu (§15-16).
Poursuivons la discussion !
Cet atelier sur la Lettre à Lucilius 47 de Sénèque aura été l’occasion de proposer une première approche du texte.
Si vous souhaitez en discuter plus en profondeur, vous pouvez vous inscrire pour un atelier à la demande.
Vous avez apprécié ce contenu ?
Vous pouvez soutenir ML Philosophie par un don, à partir de 2€.
Et pour être informé·e des futurs ateliers et événements, vous pouvez vous inscrire à la newsletter ou me suivre sur Mastodon.
Édition de référence
- Sénèque, Entretiens, Lettres à Lucilius, édition établie par Paul Veyne, Paris, Robert Laffont, coll. Bouquins, 2003, lettre 47 ; reprise par Gérard Chomienne dans le recueil Lire les philosophes, Paris, Hachette Éducation, 2004.