Cette synthèse traite du livre V de l’Éthique à Nicomaque d’Aristote (1130b30-1138a3).
Nous avons examiné ce passage sous l’angle de l’interrogation : Comment faire de la justice une vertu ?
Les différents types de justice dans les institutions de la cité
- La justice distributive concerne la manière de distribuer les biens produits collectivement au sein de la cité. Cette distribution doit se faire suivant la règle de proportionnalité selon Aristote (1131a22-32) : à chacun selon sa contribution (1131b28-30).
- La justice corrective intervient lorsqu’un dommage à été causé. Il s’agit de l’évaluer et d’apporter un correctif pour rétablir l’équilibre : c’est la peine que prononce le juge (1132a7-10).
- La justice dans le cadre des transactions économiques passe par l’évaluation de biens et services à première vue incomparables (1133a6-17). Le rôle de la monnaie est alors de rend possibles et d’équilibrer les échanges, par la fixation des prix (1133a19-31).
« L’homme juste » et la loi
- Les vertus consistent en général pour Aristote en un juste milieu entre deux vices, le « trop » et le « trop peu » (1131a11-12). Ainsi du courage, entre la couardise et la témérité (voir III, 1116a10-12). La vertu qu’est la justice n’a cependant qu’un opposé, l’injustice, qui consiste à la fois à prendre plus de ce qui est « utile », et moins de ce qui est « nuisible », que ce qui nous revient (1134a8-13).
- Pour qu’un acte fasse de son auteur une personne injuste, il faut qu’il ait été commis volontairement (1135a20-24), suite à une décision réfléchie (1135b19-24), et que ses conséquences injustes aient été prévisibles, et non le fruit de malchance (1135b17-19).
- À l’opposé, pour être un « honnête homme », il faut, selon Aristote, non seulement agir de manière juste au sens des lois, mais également savoir ne pas exercer ses droits lorsque la stricte application de la loi est excessivement en notre faveur (1137b10-13, 1138a1-2). Cela peut se produire en raison de l’impossibilité pour la loi de prendre en compte toutes ses applications particulières (1137b14).
Les problèmes de la mise en œuvre de la justice dans la cité
- Le caractère juste des lois peut être contesté en raison de leur dimension conventionnelle. Cela se manifeste par le fait qu’elles diffèrent selon le lieu et l’époque (1134b21-26). Pourtant, Aristote considère qu’il y a une part de naturalité dans certaines prescriptions (1134b29-33).
- La mise en œuvre de la justice nécessite une prise de décision par des individus particuliers (le juge dans le cas de la justice corrective, le gouvernant dans celui de la justice distributive). Pour Aristote, il convient de gouverner selon la raison, en vue du juste (1134a35-b2), et non du profit du dirigeant, qui doit donc recevoir un salaire pour le rémunérer de ses décisions désintéressées (1134b2-8). Il n’y a cependant pas de meilleur régime politique applicable à toutes les circonstances, il faut s’adapter aux contraintes de chaque situation (1135a4-5).
- Aristote examine enfin la question de savoir s’il peut y avoir injustice lorsque la victime est consentante (1136a15-b4), ou lorsque l’auteur de l’acte le commet sur lui-même (1136b15-16). Il conclut par la négative, parce que « nul ne souhaite se nuire » (1136b6), et que celui qui consent doit donc trouver un avantage à ce qui apparaît au premier abord comme injuste (1136b22).
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Édition de référence
- Aristote, Éthique à Nicomaque, traduction de Richard Bodéüs, Flammarion, 2004 ; repris dans Aristote, Œuvres, s.d. Richard Bodéüs, coll. Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Paris, 2014. Voir également la traduction de de Jean Voilquin (Flammarion), reprise par Gérard Chomienne dans Lire les philosophes, Hachette Éducation, Paris, 2004.